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Que faire si votre entreprise est visée par une action collective, alors que personne n’a subi de préjudice?
Actions collectives

Que faire si votre entreprise est visée par une action collective, alors que personne n’a subi de préjudice?

Phénomène nouveau, des demandeurs introduisent des demandes d’autorisation d’exercer une action collective alors que les fautes alléguées n’ont causé de préjudice véritable à personne. De nombreux secteurs d’activité ont été la cible de ce type d’actions. Ainsi, de telles demandes ont été introduites après qu’une entreprise a informé ses clients qu’un pirate informatique avait pénétré dans ses systèmes informatiques, qu’un constructeur automobile a informé ses clients qu’il rappelait des coussins gonflables et que Santé Canada a annoncé le rappel d’un médicament, pour citer quelques exemples notables. Dans ces affaires et d’autres du même acabit, la demande a été introduite immédiatement après l’annonce de l’événement, que celui-ci ait ou non causé un préjudice aux intéressés. Ces actions présentent un risque réel pour les entreprises exerçant des activités au Canada, qui pourraient perdre un temps précieux à répondre à des demandes sans fondement.

Il y a toutefois de bonnes nouvelles pour le milieu des affaires. Avant même qu’une demande d’autorisation d’exercer une action collective ne soit introduite, les entreprises peuvent prendre des mesures pour renforcer leur position devant un incident susceptible de donner lieu à un litige. Et il y a d’autres bonnes nouvelles. Dans de nombreux cas récents, les défendeurs ont réussi à persuader les tribunaux de mettre fin à l’instance à un stade précoce, précisément au motif que le demandeur n’avait pas subi de préjudice indemnisable.

Bien que ces affaires continuent d’être portées devant les tribunaux d’appel, de nombreuses conclusions utiles ont déjà été tirées. En 2020, la Cour suprême du Canada a confirmé que « de “simples rumeurs” de négligence – la simple création d’un risque – ne constitu[ai]ent pas un comportement fautif ». Au cours de l’année écoulée, la Cour suprême du Canada a systématiquement refusé d’entendre les appels des demandeurs dans ce genre d’affaires.

Prendre des mesures proactives

Lorsqu’une entreprise prend connaissance d’un incident présentant un risque d’action collective, il y a un certain nombre de mesures qu’elle peut prendre de manière proactive pour améliorer les chances que la demande d’autorisation d’exercer une action collective ne soit pas accueillie en raison de l’absence de préjudice ou de l’insignifiance du préjudice subi par les membres du groupe proposé.

Dans bien des cas, une entreprise peut réussir à éliminer ou à atténuer le risque de préjudice pour ses clients par des programmes de rappel, des mesures correctives, une surveillance du crédit ou d’autres services. Par exemple, la Cour supérieure de l’Ontario a récemment refusé de certifier (en anglais) une action collective portant sur le rappel de coussins gonflables, après avoir constaté que le programme de rappel existant, qui visait à atténuer tout danger, était préférable à une action collective. Le tribunal a estimé que le programme de rappel correspondait aux mesures que les membres du groupe pourraient obtenir dans le cadre de l’action collective et qu’il était plus rapide.

Obtenir le rejet précoce de l’action

Il existe de nombreux exemples d’affaires de ce type dans lesquelles le défendeur a persuadé le tribunal qu’il n’y avait pas lieu de procéder en l’absence de préjudice réel et indemnisable. Même s’il est possible que certains membres du groupe aient subi un préjudice mineur, on peut valablement arguer qu’il n’est pas justifié de recourir au lourd mécanisme qu’est une action collective, avec ses coûts pour les parties et le système judiciaire, pour résoudre un préjudice insignifiant ou un simple désagrément, en particulier lorsque l’entreprise a pris des mesures correctives appropriées.

L’entreprise visée par une action collective, alors que personne n’a subi de préjudice, peut bénéficier de la mise en œuvre de mesures proactives offrant de meilleurs résultats.

En Alberta, par exemple, un tribunal a refusé de certifier une action collective contre Uber pour violation de données. La Cour d’appel a ensuite confirmé que le demandeur [traduction libre] « n’a[vait] aucun espoir d’établir que la simple perte de renseignements accessibles au public comme des noms, des numéros de téléphone et des adresses électroniques équiva[lait], sans autre élément, à un préjudice indemnisable ». En juillet, la Cour suprême du Canada a refusé la demande de pourvoi.

De même, au Québec, un tribunal a rejeté (en anglais) une action collective sur le fond au motif que le demandeur n’avait pas réussi à démontrer l’existence d’un préjudice indemnisable dans une affaire concernant la perte par un organisme de réglementation d’un ordinateur portable contenant des renseignements personnels des membres du groupe. La Cour d’appel a maintenu cette décision, confirmant que les demandeurs devaient démontrer l’existence d’un préjudice indemnisable allant au-delà du simple désagrément dans les affaires d’atteinte au droit à la vie privée. En mars, la Cour suprême du Canada a refusé la demande de pourvoi.

Un tribunal ontarien a refusé de certifier une action collective contre Fiat Chrysler fondée sur l’allégation que des « dispositifs de manipulation » des émissions avaient été installés sur des véhicules à moteur diesel. La Cour divisionnaire a confirmé que l’instance ne devrait pas procéder au motif qu’il n’existait aucune preuve qu’une personne avait subi un préjudice indemnisable par suite du rappel des véhicules. La Cour d’appel et la Cour suprême du Canada ont toutes deux refusé la permission d’interjeter appel.

Des tribunaux de l’Ontario et de la Colombie-Britannique sont saisis de plusieurs affaires liées à des rappels de médicaments touchant l’ensemble du secteur. Dans la plupart d’entre elles, les demandeurs allèguent que des impuretés contenues dans les médicaments augmentent légèrement le risque de diagnostic de cancer. Cependant, au lieu de réclamer des dommages-intérêts pour les lésions cancéreuses alléguées, les demandeurs invoquent avoir subi de petites pertes économiques (par exemple, pour les pilules mises au rebut) ou de la souffrance morale subie après avoir appris l’existence du rappel. Jusqu’à présent, les tribunaux de première instance ont rejeté ces demandes au stade de la certification ou du jugement sommaire : la première affaire en Ontario concernait un médicament contre la tension artérielle (valsartan); la première affaire en Colombie-Britannique concernait un médicament contre les brûlures d’estomac (ranitidine). Les demandeurs ont interjeté appel de la  décision dans l’affaire ontarienne. Nous nous attendons à ce que la Cour d’appel se prononce cet automne.

De même, la Cour divisionnaire de l’Ontario a annulé la décision certifiant une action collective dans une affaire dans laquelle 6 800 patients avaient reçu une lettre les informant d’un faible risque qu’ils aient été exposés à l’hépatite ou au VIH. En fin de compte, Santé publique Ottawa a confirmé qu’il n’y avait eu [traduction libre] « aucune transmission de l’hépatite B ou C ou du VIH […] dans la clinique où la lacune [en matière de protection des infections] s’était produite ». Dans l’intervalle, les patients avaient été avisés que des tests sanguins étaient disponibles. Le tribunal a estimé qu’un « risque accru de préjudice » (increased risk of harm) ne pouvait constituer le fondement d’une cause d’action certifiable. Le demandeur a demandé l’autorisation d’interjeter appel devant la Cour d’appel.

Nous continuons à suivre ces affaires au fur et à mesure qu’elles sont portées devant les tribunaux d’appel du Canada. Malgré les récents succès remportés par les entreprises, de nombreux demandeurs et avocats de demandeurs continuent de voir un avantage à introduire et à faire procéder ce type d’actions. Nous constatons également que certains avocats de demandeurs changent d’approche. Dans certains cas, ils ont essentiellement « réduit » la portée de l’action collective à des allégations de préjudice limitées (par exemple, la souffrance morale associée à de futurs risques) ou à des demandes se limitant à des dommages-intérêts punitifs ou des dommages-intérêts symboliques. Ces demandes limitées offrent toujours la possibilité de revenus importants pour les avocats des demandeurs, même si la réparation à laquelle aurait droit chaque membre du groupe serait minime, si tant est qu’il y en ait une. Ainsi, les avocats des demandeurs ont un intérêt à présenter des arguments de plus en plus créatifs et à procéder dans des dossiers « sans préjudice ».

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À quoi s’attendre?

Dans un avenir prévisible, les entreprises canadiennes devraient continuer d’anticiper un risque d’action collective lorsqu’un incident indépendant de leur volonté se produit, même s’il n’en résulte aucun préjudice réel pour leurs clients. Cependant, la bonne nouvelle est qu’il est possible de s’appuyer sur le droit actuel pour mettre fin à l’action à un stade précoce. En outre, une entreprise qui prend des mesures proactives appropriées pour atténuer les risques encourus par ses clients disposera souvent d’arguments supplémentaires solides pour convaincre le tribunal qu’une action collective n’est ni nécessaire ni souhaitable.

Il reste essentiel pour les entreprises de réagir avec rapidité et efficience en cas d’incident. Les défendeurs disposent de nombreux outils pour se défendre dans les affaires de ce type ou pour les résoudre à un stade précoce. Il est utile de demander conseil sans tarder sur la meilleure façon de mettre en œuvre ces outils s’il survient un incident posant un risque d’action collective ou si une demande est introduite.

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