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Gérer les risques et préparer l’avenir : tendances dans la réglementation des services financiers
Réglementation des services financiers

Gérer les risques et préparer l’avenir : tendances dans la réglementation des services financiers

Encore une fois cette année, nous avons été témoins de changements importants dans les lois et règlements régissant les services financiers. Nous soulignons certains des changements les plus remarquables survenus en 2023 qui se répercuteront sur les fournisseurs de services financiers à partir de 2024. Il s’agit notamment des modifications apportées au taux d’intérêt criminel, des nouvelles exigences applicables aux institutions financières fédérales en matière de gestion des risques liés à la sécurité nationale et à l’ingérence étrangère, le déploiement attendu du nouveau régime des paiements de détail et des modifications apportées aux lois sur la lutte contre le blanchiment d’argent.

Taux d’intérêt criminel

L’article 347 du Code criminel (Canada), dans sa version actuelle, interdit à toute personne d’accepter de facturer ou de percevoir des intérêts à un taux d’intérêt annuel effectif supérieur à 60 %. Connu sous le nom de disposition relative au « taux d’intérêt criminel », l’article 347 n’a pas changé pendant des décennies.

Cette situation est sur le point de changer. Le 20 avril 2023, le gouvernement du Canada a présenté le projet de loi C-47, la Loi no 1 d’exécution du budget de 2023, qui apporte à la disposition relative au taux d’intérêt criminel des modifications qui pourraient avoir une incidence importante sur les conditions des conventions de crédit. Le projet de loi a été adopté en troisième lecture par le Parlement, mais les modifications en question ne sont pas encore entrées en vigueur, et aucune date d’entrée en vigueur n’a été fixée. Une fois adoptées, les modifications changeront la définition du taux d’intérêt criminel, qui passera d’un taux d’intérêt annuel effectif à un taux d’intérêt annuel en pourcentage, et abaisseront le taux d’intérêt annuel effectif de 60 % à un taux d’intérêt annuel en pourcentage de 35 %.

Le taux continue d’être calculé conformément aux pratiques et principes actuariels généralement reconnus. Toutefois, la notion de taux d’intérêt annuel en pourcentage a été utilisée par le passé uniquement pour le crédit à taux fixe dans le cadre des lois sur la protection des consommateurs, et non dans le contexte du crédit en général. Par conséquent, il restera à établir les principes entourant le calcul du taux d’intérêt annuel en pourcentage pour d’autres types de prêts, notamment les crédits à découvert comme les marges de crédit et les cartes de crédit.  

L’article 347 modifié ne s’appliquera pas aux conventions ou ententes devant être visées par règlement, ce qui ouvre la voie à des exemptions. Par exemple, comme le gouvernement semble mettre l’accent sur la protection des consommateurs, il est possible que certaines conventions ou ententes de prêt commercial soient exemptées. Les règlements pourraient également plafonner le montant que les prêteurs sur salaire peuvent facturer, lequel devrait être de 14 $ par 100 $ empruntés, selon les déclarations du gouvernement dans le budget de 2023. Nous avons décrit cette proposition dans notre blogue (en anglais seulement).

Bien que ces modifications ne soient pas encore entrées en vigueur, le gouvernement a poursuivi ses consultations sur le taux d’intérêt criminel, ce qui laisse entrevoir la possibilité qu’il soit abaissé encore davantage. 

Les prêteurs devront suivre attentivement l’évolution de la situation pour s’assurer qu’ils sont en mesure d’élaborer et de mettre en œuvre la nouvelle méthode de calcul et les nouveaux systèmes suffisamment tôt avant l’entrée en vigueur des modifications. Ils devront également soumettre leurs ententes de prêt à des tests de tension (stress tests), compte tenu de l’abaissement du plafond de l’usure. Les cas limites qui étaient légaux mais proches du seuil de 60 % peuvent maintenant se révéler problématiques compte tenu du nouveau seuil de 35 %.

Nouveau mandat du BSIF : réglementation des nouveaux risques liés à l’ingérence étrangère et à la sécurité nationale

Le projet de loi C-47 a été présenté en avril 2023 et a reçu la sanction royale en juin 2023. Il élargit le mandat et les pouvoirs de surveillance du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) afin d’inclure expressément les menaces à l’intégrité ou à la sécurité des institutions financières fédérales (IFF), notamment en ce qui concerne l’ingérence étrangère. Par ces changements, le gouvernement fédéral élargit le mandat de l’autorité de réglementation prudentielle d’une ampleur qui ne s’est à peu près pas vue depuis 25 ans. Cadrant avec la tendance générale que nous avons observée, les pouvoirs élargis correspondent, de par leur nature, aux préoccupations du gouvernement fédéral au sujet des risques liés à l’ingérence étrangère et à la sécurité nationale qui touchent le secteur financier, comme nous l’avons déjà mentionné.

Conformément à son nouveau mandat élargi, le 13 octobre 2023, le BSIF a publié une ligne directrice (version à l’étude) portant sur l’intégrité et la sécurité. Le projet de ligne directrice prévoit pour les institutions financières des obligations renforcées en matière de gouvernance, de surveillance et de contrôles qui visent à les protéger contre l’influence indue, l’ingérence étrangère et les activités malveillantes. Il comprend également de nouvelles exigences en matière de sécurité opérationnelle, comme la nécessité pour les IFF de disposer de normes et de contrôles de sécurité matérielle, de programmer des inspections techniques de sécurité et d’effectuer des vérifications d’antécédents de tous leurs employés et des cadres dirigeants de certains fournisseurs tiers vulnérables de même que des enquêtes de sécurité à leur sujet. La période de consultation relative au projet de ligne directrice était ouverte jusqu’au 24 novembre 2023. La version définitive de la ligne directrice devrait être publiée d’ici la fin du mois de janvier 2024.

Lorsque les autres parties pertinentes du projet de loi C-47 entreront en vigueur le 1er janvier 2024, les IFF seront tenues de s’assurer qu’elles disposent de politiques et de procédures adéquates leur permettant de se protéger contre les menaces à leur intégrité et à leur sécurité, y compris contre l’ingérence étrangère, et qu’elles s’y conforment. Cette exigence s’appliquera également aux activités canadiennes des succursales de banques et de sociétés d’assurance étrangères. Dès 2024, dans le cadre de son nouveau mandat, le BSIF examinera les politiques et procédures de chaque IFF et rendra compte annuellement de ses examens au ministre des Finances. Compte tenu de l’échéancier serré, les IFF devront évaluer soigneusement leurs politiques et procédures existantes à la lumière de la nouvelle ligne directrice, puis repérer et corriger rapidement toute lacune ou déficience possible au début de 2024.

Loi sur les activités associées aux paiements de détail

Comme nous en avons déjà fait état, le 11 février 2023, le ministère des Finances a publié un projet de règlement en vertu de la Loi sur les activités associées aux paiements de détail (LAPD). Le projet de règlement propose des exigences importantes et détaillées qui s’appliqueraient aux fournisseurs de services de paiement (FSP) régis par la LAPD, indépendamment de leur taille et de leur complexité. La période de consultation relative au projet de règlement a pris fin le 28 mars 2023, et le projet de règlement modifié est attendu sous peu. Le processus d’enregistrement s’ouvrira en novembre 2024. 

La Banque du Canada a également indiqué qu’elle prévoyait de publier des lignes directrices après l’adoption de la version définitive du règlement. Ces lignes directrices porteront sur des questions telles que la gestion des risques opérationnels, la protection des fonds et le signalement des incidents. 

Compte tenu de cet échéancier, 2024 sera une année chargée pour les FSP, qui devront évaluer la version définitive du règlement une fois qu’elle sera publiée et envisager les changements qu’ils doivent apporter en conséquence à leurs activités. En plus de s’enregistrer auprès de la Banque du Canada, ils devront établir et mettre en œuvre un cadre de gestion des risques et de réponse aux incidents, examiner les ententes conclues avec des tiers et satisfaire aux exigences en matière de protection des fonds (si le FSP détient des fonds d’utilisateurs finaux).

Lutte contre le blanchiment d’argent

La loi canadienne sur la lutte contre le blanchiment d’argent, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (LRPCFAT), va faire l’objet d’importantes modifications. Ces modifications toucheront les entreprises et les professionnels du secteur du prêt hypothécaire, les entités financières ayant des relations de correspondants bancaires et les entreprises transportant des devises et des instruments négociables.

En ce qui concerne le secteur du prêt hypothécaire, le 11 octobre 2024, entrera en vigueur un règlement qui obligera les entités du secteur à se conformer à de nouvelles obligations en matière de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité (LRPC) et le financement des activités terroristes (FAT). Les prêteurs, les courtiers et les administrateurs hypothécaires peuvent s’attendre à ce que les nouvelles obligations de conformité soient largement alignées sur le régime actuel d’autres secteurs d’entités déclarantes. Cependant, la page de ressources du Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) pour le secteur est en construction et, au cours de 2024, les entités concernées devront surveiller cette ressource, ainsi que d’autres ressources du CANAFE, afin de se préparer en vue de la mise en œuvre du règlement.

En ce qui concerne les entités financières ayant des relations de correspondants bancaires, des obligations supplémentaires entreront en vigueur le 11 octobre 2024. Les entités nationales fournissant certains services prescrits à des entités étrangères seront tenues d’évaluer les risques liés à chaque relation de correspondant bancaire. Elles devront documenter leur évaluation et la tenir à jour. Elles devront également effectuer un suivi continu de ses relations de correspondants bancaires, compte tenu du risque.

Les entités financières seront également obligées de réaliser d’autres mesures de diligence raisonnable allant au-delà des exigences actuelles et de tenir un registre de ces mesures. Le processus de diligence actuel exige des entités qu’elles vérifient des renseignements de base, comme le nom et l’adresse, et prennent des mesures raisonnables pour s’assurer de la conformité aux exigences relatives à la LRPC-FAT. En vertu des nouvelles exigences, les entités financières ayant des relations de correspondants bancaires devront également tenir compte de la nature des clients et des marchés desservis par l’institution financière étrangère, de la réputation de celle-ci eu égard aux exigences relatives à la LRPC-FAT et de la qualité de la surveillance des exigences relatives à la LRPC-FAT dans le territoire dans lequel elle est constituée et effectue des opérations.

La ligne directrice du CANAFE touchant les relations de correspondants bancaires devrait être mise à jour avant sa date d’entrée en vigueur.

En ce qui concerne les entreprises de véhicules blindés qui effectuent le transport de devises, de mandats-poste, de chèques de voyage ou d’autres titres négociables, à compter du 1er juillet 2024, elles devront s’inscrire auprès du CANAFE en tant qu’entreprise de services monétaires. En outre, elles devront respecter diverses obligations de conformité et de déclaration en vertu de la LRPCFAT. Le CANAFE a publié des directives à ce sujet, qui évolueront au fur et à mesure qu’il définira les exigences applicables à ce secteur.

Enfin, à partir du 1er avril 2024, le CANAFE mettra en œuvre un nouveau modèle de financement par recouvrement des coûts. Selon ce nouveau modèle, le CANAFE imposera des coûts de conformité aux banques, aux sociétés de fiducie et de prêt et aux sociétés d’assurance-vie fédérales, ainsi qu’à toutes les entités déclarantes assujetties à la LRPCFAT qui soumettent au moins 500 déclarations de seuil au cours d’un exercice financier.

D’autres modifications sont à prévoir au cours de l’année à venir. Le ministère des Finances et le CANAFE ont récemment consulté les parties prenantes du secteur et les organismes de réglementation provinciaux au sujet de nouvelles propositions de modification de la LRPCFAT. La consultation, qui s’est achevée en août 2023, visait à recueillir des commentaires sur les risques et les vulnérabilités que présentent les nouvelles technologies financières et ceux qui sont liés à la sécurité nationale, ce qui est cohérent avec les grandes tendances réglementaires observées dans le secteur financier en général.

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Les participants ont également été invités à commenter les mesures à prendre pour améliorer le régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité à la lumière des conclusions du rapport de la commission Cullen et de l’évolution des normes internationales. Le gouvernement n’a pas encore annoncé d’autres développements. Toutefois, nous nous attendons à ce qu’il propose d’autres mesures en fonction des commentaires reçus pendant la période de consultation.

Les acteurs du secteur des services financiers seraient bien avisés de prendre conseil rapidement et de manière proactive pour demeurer au courant des exigences réglementaires de plus en plus complexes et se préparer à s’ajuster en temps opportun aux modifications législatives à mesure qu’elles sont promulguées.

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