Au cours des dernières années, les marges de souscription se sont bien ancrées dans le paysage des sociétés de capital-investissement. Ces dernières se servent de cet outil pour gérer leurs liquidités, réduire et régulariser la cadence des appels de capital, et améliorer le rendement des placements.
Les marges de souscription, également appelées facilités d’appel de capital, sont des facilités de crédit renouvelables qui sont garanties non pas par un fonds de garantie traditionnel, mais par les engagements de capital non utilisés des investisseurs dans un fonds. Ces facilités constituent désormais un dispositif bien établi au sein des fonds de capital-investissement pour toutes les catégories d’actif, et elles sont de plus en plus utilisées en raison des marchés difficiles que sont la mobilisation de fonds, le crédit et les fusions-acquisitions. Nous prévoyons que leur usage continuera d’évoluer.
Nous passons ici en revue cinq tendances émergentes qui devraient façonner le marché du financement des fonds en 2024.
Protections des prêteurs
Depuis la création des marges de souscription, les prêteurs de facilités ont cherché à inclure des dispositions dans les documents de base des fonds afin de bénéficier d’un maximum de souplesse pour prendre la relève du commandité d’un fonds, faire des appels de capital directement aux commanditaires, exiger un financement directement dans le compte d’un prêteur et limiter la possibilité d’exercer des droits de dispense lors d’un appel de capital pour financer un remboursement de dette. Bien que ces types de protection au profit des prêteurs figurant dans les documents des fonds aient continué de progresser, la capacité des prêteurs d’ajouter des dispositifs supplémentaires de protection aux nouveaux contrats de société des fonds a toujours connu des limites.
Cependant, deux facteurs motivent le changement à l’heure actuelle. Le premier est la demande croissante de facilités d’appel de capital; le second est le stress que les prêteurs ont ressenti au cours de la pandémie, pendant laquelle les fonds ont usé de leurs facilités pour améliorer leur position de liquidité. Les prêteurs négocient maintenant plus énergiquement (et souvent avec succès) pour inclure les mesures de protection les plus récentes dans les documents des fonds.
Financement des fonds à capital variable
Les marges de souscription ont toujours constitué une facilité caractéristique des fonds à capital fixe, en grande partie en raison de leur durée de vie définie et de leur bassin d’investisseurs relativement stable. Les droits de rachat et le roulement perpétuel des investisseurs, spécificités des fonds à capital variable, créent de l’incertitude quant à la « base d’emprunt ». Cette incertitude représente généralement une difficulté pour les prêteurs, compte tenu de leur désir de disposer d’une garantie sur les engagements des fonds.
Cependant, le besoin plus aigu de liquidités auquel les fonds à capital variable font face dans le contexte actuel, caractérisé par un nombre élevé de demandes de rachat, a incité beaucoup de prêteurs à entrer sur ce marché et à proposer des marges de souscription aux fonds à capital variable. Les prêteurs gèrent alors le profil de risque en imposant des taux d’intérêt plus élevés et en insistant sur des exigences de déclaration plus rigoureuses ainsi que sur des droits de surveillance de la base d’emprunt.
Transparence des marges de souscription
Les marges de souscription ont été largement acceptées par les investisseurs ces dernières années. Nombre d’entre eux se réjouissent de la cadence plus prévisible des appels de capital provenant des fonds en mesure d’utiliser une telle facilité. Les promoteurs de fonds en bénéficient également : ils peuvent mettre en avant des taux de rendement internes (TRI) plus favorables grâce à une courbe en J raccourcie. Cependant, un certain nombre d’investisseurs se sont inquiétés des conséquences négatives que peut entraîner le recours des fonds aux marges de souscription. Leurs principales préoccupations concernent les problèmes de liquidité auxquels les investisseurs sont confrontés en raison d’appels de capital moins fréquents mais beaucoup plus importants, ainsi que l’effet trompeur que peut avoir l’utilisation de marges de souscription sur les données relatives au rendement des fonds publiées.
L’utilisation et les modalités des marges de souscription continuent d’évoluer
L’Institutional Limited Partners Association (ILPA) s’est penchée sur ces éléments et a publié des lignes directrices sur les pratiques exemplaires de présentation de l’information concernant les marges de souscription. L’ILPA recommande aux promoteurs de communiquer le TRI net aux investisseurs sur une base trimestrielle, avec et sans recours aux marges de souscription. L’information présentée devrait également inclure la taille totale et le solde impayé de ces facilités.
Au vu de l’ampleur des marges de souscription et de la place qui leur est réservée, qui ne cessent d’augmenter, nous prévoyons donc qu’il sera de plus en plus attendu des promoteurs qu’ils rendent disponibles aux investisseurs les informations relatives à leur utilisation.
Facilités hybrides fondées sur la valeur liquidative
L’une des limites fréquemment citées des marges de souscription est que leur base d’emprunt est liée à des engagements de capital non appelé. Dans un fonds de capital-investissement à capital fixe, où un montant limité de capital engagé par les investisseurs est prélevé au cours de la période d’investissement du fonds, le montant de capital que le fonds peut prélever sur la marge de souscription se trouve donc réduit. Une telle situation peut engendrer un resserrement des liquidités dans le cas de financements à un stade avancé, ou bien des fonds ayant une stratégie de plateforme avec une composante importante d’investissement de suivi.
Pour remédier à cette limite, certains fonds ont commencé à compléter leurs marges de souscription avec des facilités fondées sur la valeur liquidative (VL). Il s’agit de facilités renouvelables qui sont adossées aux actifs du portefeuille du fonds. Ces facilités dites « hybrides » sont intrinsèquement complémentaires étant donné que la base d’emprunt de la facilité fondée sur la VL augmente naturellement à mesure que le fonds acquiert des actifs de portefeuille au cours de sa période d’investissement, ce qui vient combler le déficit de la base d’emprunt provenant de la réduction subséquente des engagements de capital non appelé.
Nous nous attendons à ce que les promoteurs de fonds utilisent de plus en plus des facilités hybrides en ce qui concerne les marges de souscription, en particulier avec le ralentissement actuel des activités de fusion et d’acquisition, lequel a incité de nombreux fonds à conserver plus longtemps les sociétés de portefeuille et à demander un agrément pour prolonger leur durée de vie.
Financement lié aux facteurs ESG
Alors que les fonds continuent de chercher des moyens d’intégrer les principes ESG à leurs plateformes de placement, nombre d’entre eux ont commencé à adopter des « facilités ESG ». Dans le cadre de ces facilités, les prêteurs bancaires offrent une tarification fondée sur le rendement et d’autres avantages aux fonds qui atteignent les objectifs ESG convenus. La performance du fonds quant à ces objectifs est habituellement surveillée et évaluée par des tiers. Le fait de ne pas atteindre ces objectifs n’entraîne habituellement que la perte des avantages accordés et ne constitue généralement pas un cas de défaut.
Certaines facilités ESG ne se limitent pas aux primes liées au rendement, mais exigent des fonds qu’ils utilisent l’emprunt réalisé pour effectuer des investissements qui répondent aux objectifs ESG convenus. Ce type de facilité ESG a été moins utilisé, en partie parce que seuls les fonds dont les principes ESG forment une composante principale de leur thèse de placement peuvent y avoir recours.
Nous prévoyons que les pressions croissantes exercées sur les fonds pour qu’ils intègrent les principes ESG à leurs décisions de placement, conjuguées à la hausse des taux d’intérêt, inciteront les fonds à se tourner vers des facilités ESG qui offrent des conditions de prêt favorables à ceux d’entre eux qui répondent à des objectifs ESG raisonnables.
L’évolution de l’utilisation et des modalités des marges de souscription, ainsi que leur hybridation avec d’autres facilités, est une tendance qui, selon nous, devrait se poursuivre en 2024.