Après avoir publié pendant bien des années la Rétrospective de l’année juridique, qui faisait le point sur les principaux événements ayant marqué le paysage juridique et commercial canadien au cours de l’année précédente, nous avons souhaité un changement. Dans cette nouvelle revue intitulée Perspectives juridiques Osler, nous continuons à livrer des commentaires tout aussi perspicaces et soignés que ceux auxquels nos lecteurs ont pris l’habitude de se fier. Cette année, toutefois, nous souhaitons également inclure notre point de vue à propos de ce que l’on peut attendre en 2024 et au-delà des événements ayant marqué la dernière année. C’est de ce désir qu’est née la nouvelle revue Perspectives juridiques Osler.
La prestation de conseils utiles et perspicaces sur l’évolution du droit et ses conséquences, les tendances susceptibles d’émerger et les scénarios hypothétiques représente un défi, même lorsque les circonstances et les conditions économiques sont idéales. Or, ce n’était certainement pas le cas en 2023. L’incertitude économique persistante (due, notamment, à une inflation galopante et à des taux d’intérêt élevés) et l’instabilité chronique de la situation géopolitique continuent de teinter les marchés et les pratiques en matière d’opérations stratégiques. Les volumes d’opérations sur les marchés financiers et d’opérations de fusion et d’acquisition ont nettement fléchi, en particulier par rapport au « boom » de 2018 à 2021.
L’adoption des technologies d’intelligence artificielle (IA) à un rythme sans précédent en 2023 est peut-être l’un des événements les plus marquants de l’année, dont les répercussions – encore inconnues – se feront sentir en 2024 et bien après. ChatGPT, qui n’a été lancé qu’à la fin de 2022, a eu, en peu de temps, un impact profond sur les technologies modernes, stimulant l’adoption généralisée de l’IA et la création de nombreux nouveaux cas d’utilisation et outils d’IA. Cependant, à l’instar de toutes les technologies, l’IA comporte des risques auxquels les développeurs et les utilisateurs doivent porter attention et se préparer. Les organismes de réglementation du monde entier débattent de la meilleure façon de réglementer cette technologie à évolution rapide. Au Canada, plusieurs initiatives sont à l’étude et seront probablement mises en œuvre en 2024. Les entreprises devront impérativement disposer d’un solide cadre de gestion des risques liés à l’IA pour être à même de tirer parti des avantages de cette technologie tout en gérant les écueils qu’elle comporte.
Nous avons également constaté que les questions liées à l’environnement et aux changements climatiques suscitaient beaucoup d’attention.
Le passage à une économie carboneutre exige des changements majeurs. L’attention portée par le monde entier sur les minéraux critiques et l’électrification, que nous avons constatée en 2022, s’est maintenue. L’une des principales priorités du gouvernement canadien dans ce domaine est l’adoption généralisée de véhicules électriques (VE) en remplacement des véhicules à moteur à combustion interne. À elle seule, cette transition nécessitera de nouveaux investissements massifs, compte tenu des besoins importants qu’elle crée en matières premières clés, en composants de batteries, en fabrication de batteries, en approvisionnement en électricité, etc. La chaîne d’approvisionnement des véhicules électriques représente une occasion en or en termes d’investissement et de croissance. Le Canada offre divers avantages concurrentiels, et le gouvernement canadien s’est montré très disposé à offrir des incitatifs et à mettre en œuvre des mesures visant à éliminer les obstacles juridiques et économiques.
Parallèlement, les désaccords entre instances politiques quant à l’orientation la plus appropriée à donner aux politiques en matière de changements climatiques et quant à la façon la plus indiquée de réglementer les questions liées à l’environnement et aux changements climatiques ont dominé le paysage. Les principaux litiges sont revenus sur la question de savoir quel ordre de gouvernement – fédéral ou provincial – est habilité par la Constitution à adopter des lois sur l’environnement. La Cour suprême du Canada a invalidé certaines parties de la Loi sur l’évaluation d’impact adoptée par le gouvernement fédéral, estimant qu’elles ne relevaient pas de sa compétence, même si elle avait déjà maintenu le régime de tarification des gaz à effet de serre mis en place par le gouvernement fédéral. D’autres querelles de compétence sont inévitables. Nous avons constaté non seulement certains progrès vers l’harmonisation de l’information sur les changements climatiques dans le monde, mais aussi de nombreux litiges liés aux changements climatiques portant sur des plaintes pour « écoblanchiment », des contestations visant des entreprises en ce qui concerne leurs pratiques en matière d’information ou d’environnement, ainsi que des plaintes contre des administrations publiques en rapport avec l’évolution de leur politique en matière de changements climatiques.
Entre-temps, la proposition du Canada de réglementer directement la production d’électricité – un domaine qui relève expressément de la compétence des provinces en vertu de la Constitution – a attisé la colère d’un certain nombre de gouvernements provinciaux. En Alberta, la première ministre Danielle Smith a déposé une motion de résolution en vertu de la loi de l’Alberta intitulée Alberta Sovereignty within a United Canada Act, qui n’a pas encore été mise à l’épreuve. La résolution envisage un arrêt exigeant, entre autres, que les entités provinciales ne reconnaissent pas la validité constitutionnelle du Règlement sur l’électricité propre pris par le gouvernement fédéral en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement. On peut s’attendre à d’autres contestations, ce qui remet en cause l’adoption du projet de Règlement sur l’électricité propre. Néanmoins, les investissements dans les centrales électriques générant peu ou pas d’émissions progressent à un rythme soutenu d’un bout à l’autre du pays. Il est clair que, dans le secteur de l’électricité, des tournants se profilent à l’horizon.
Les priorités en matière d’aménagement du territoire évoluent elles aussi. Les mesures prises par les gouvernements concernant la protection de l’environnement, l’exercice des droits des Autochtones, ainsi que l’objectif global de réconciliation avec les peuples autochtones, entre autres initiatives stratégiques, ont une incidence sur les utilisations permises des terres. Le changement des priorités en la matière peut effectivement stériliser les ressources et empêcher la réalisation d’un projet. Selon l’effet d’une mesure donnée, les exploitants de ressources peuvent avoir une cause d’action contre les gouvernements lorsque la décision politique les a effectivement empêchés d’exercer leurs droits de propriété.
Dans d’autres domaines, les gouvernements au pays ont pris des mesures qui toucheront un certain nombre d’industries et de secteurs d’activité au cours des prochaines années.
Partout dans le monde, les gouvernements prônent une plus grande transparence des structures de propriété des entreprises. Conformément à cette tendance, la plupart des territoires de compétence canadiens ont imposé des règles de divulgation obligatoire sous la forme d’un « registre de transparence ». Cette divulgation de la propriété effective des sociétés par actions a pour but d’accroître la transparence et de favoriser la reddition de comptes par la divulgation de l’identité des personnes physiques qui exerce un contrôle notable sur elles. Cependant, il est souvent difficile de savoir exactement comment les nouvelles exigences s’appliquent aux structures de propriété complexes. Elles imposent donc un lourd fardeau de conformité, notamment aux sociétés de capital-investissement ou de capital de risque. Les sociétés et leurs propriétaires doivent tenir compte de ces exigences changeantes aussi bien pour structurer leurs affaires que pour s’assurer de continuellement respecter ces obligations en matière de tenue de dossiers.
Les institutions financières sont sur le point d’être assujetties à un grand nombre de nouvelles lois et de nouveaux règlements touchant la prestation de leurs services financiers, y compris le nouveau mandat confié au Bureau du surintendant des institutions financières visant à contrer les menaces à l’intégrité et à la sécurité des institutions financières fédérales. De plus, l’on s’attend à ce que le projet de règlement en vertu de la Loi sur les activités associées aux paiements de détail soit adopté en 2024. Les fournisseurs de services de paiement devront connaître les exigences en matière d’enregistrement, ainsi que d’autres obligations. Le gouvernement fédéral devrait aussi apporter d’importantes modifications à ses lois sur la lutte contre le blanchiment d’argent. De plus, si elles sont adoptées, les modifications qu’il a proposé d’apporter au Code criminel réduiraient sensiblement le taux d’intérêt criminel et changeraient la base de calcul des taux d’intérêt. Cela pourrait avoir un effet généralisé sur les fournisseurs de crédit, qui pourraient être tenus de soumettre leurs ententes de prêt à des tests de tension (stress test) pour en assurer la conformité.
Le gouvernement du Canada a apporté d’importantes modifications à la réglementation de la concurrence et il en a proposé d’autres dans le cadre de son énoncé économique de l’automne et de son projet de loi d’exécution du budget. Le projet de modification de la Loi sur la concurrence aura pour effet de renforcer la loi, notamment en apportant des changements fondamentaux à la législation existante dans de nombreux domaines et en fournissant de nouveaux outils d’application de la loi. Grâce à l’augmentation substantielle du budget du Bureau de la concurrence, le commissaire à la concurrence sera probablement encouragé à prendre des mesures d’application de la loi plus strictes. À l’avenir, les entreprises devront tenir compte de ces changements dans leurs activités et leurs opérations, et suivre l’évolution rapide du cadre législatif.
Dans l’autre principal cadre réglementaire touchant les opérations stratégiques – celui de l’investissement étranger –, on annonce également des changements importants. Le gouvernement a proposé d’importantes modifications à la Loi sur Investissement Canada, qui devraient être mises en œuvre en 2024. L’accent est mis sur les préoccupations de sécurité nationale, notamment l’augmentation du nombre d’investissements étrangers qui seront assujettis à une autorisation de sécurité nationale préalable obligatoire. Malgré l’augmentation prévue du nombre d’examens de sécurité nationale, on ne s’attend pas à ce que le nombre d’investissements rejetés pour des raisons de sécurité nationale augmente de manière significative. Il reste à savoir si ces changements permettront de trouver un juste équilibre entre l’accueil des investissements et la protection des intérêts nationaux du Canada.
Le gouvernement canadien a continué de prendre des mesures importantes, dans ses efforts tant de délocalisation régionale visant à consolider et à protéger les chaînes d’approvisionnement nationales que d’amilocalisation visant à renforcer les relations d’approvisionnement avec les économies des démocraties amies. Par ailleurs, la coopération internationale s’est poursuivie entre alliés sur diverses contre-mesures, en particulier l’adoption de sanctions et de contrôles à l’exportation. Les entreprises canadiennes et celles ayant un lien avec le Canada doivent se préparer aux exigences de conformité découlant de l’adoption de lois sur l’esclavage moderne. Elles doivent aussi surveiller de près les initiatives possibles de lutte contre les changements climatiques au moyen de mesures commerciales, les dispositifs visant à moderniser les accords de libre-échange et les différends commerciaux en cours.
La réforme de la réglementation et des mesures d’application de la loi dans la poursuite des crimes économiques, ou « en col blanc », s’est poursuivie. D’autres réformes sont à prévoir en 2024. Le Canada cherchera à rehausser sa réputation pour ce qui est des enquêtes et des poursuites fructueuses de ces crimes à la suite de rapports négatifs de l’ONU et de l’Organisation de coopération et de développement économiques. Plusieurs poursuites récentes ont fourni des indications sur l’ampleur des infractions liées à la corruption. En outre, nous avons déjà constaté un renforcement des mesures de surveillance et d’application de la loi en ce qui concerne la chaîne d’approvisionnement et les questions relatives aux droits de la personne.
Les activités d’application de la loi dans le domaine des valeurs mobilières sont également de plus en plus vigoureuses. En effet, les organismes de réglementation des valeurs mobilières continuent à prendre des mesures contre les activités qui sont perçues comme exploitant l’attrait des investisseurs pour les technologies durables ou innovantes. Elles cherchent également à obtenir de plus vastes pouvoirs pour imposer des pénalités et en utiliser le produit, comme en témoigne l’adoption par la Colombie-Britannique d’un nouveau régime de pénalités basé sur la notification pour les violations les moins graves. Il reste à voir si cette pratique se généralisera dans l’ensemble du pays.
Les organismes de réglementation des valeurs mobilières se sont particulièrement intéressés aux mesures d’application de la loi dans le domaine des cryptomonnaies et des actifs numériques. Deux avis du personnel longtemps attendus ont fourni d’autres points de vue sur les attentes concernant l’inscription et la réglementation des plateformes de négociation de cryptomonnaies, ainsi que sur l’approche réglementaire à l’égard des « cryptoactifs arrimés à une valeur », communément appelés « cryptomonnaies stables ». Même si cette année a été propice à la croissance de la réglementation et au plein développement du secteur, des questions demeurent. L’année à venir pourrait apporter plus de clarté concernant les cryptomonnaies stables, qui n’ont pas encore le statut de valeur mobilière. De même, dans un rapport sur la finance décentralisée de l’Organisation internationale des commissions de valeurs, les organismes de réglementation des valeurs mobilières de l’Ontario et du Québec ont pu laisser entrevoir leur point de vue sur la manière dont ils entendent réglementer ce domaine.
Une nouvelle tendance se dessine dans le secteur du litige. En effet, les demandeurs proposent des actions collectives même si personne n’a subi de préjudice significatif à la suite des actes répréhensibles allégués. De nombreux secteurs ont été la cible de ces actions, qui se sont concentrées, entre autres, sur les atteintes à la sécurité des TI et les rappels de produits. Sur une note positive, toutefois, avant même le dépôt d’une action collective, les entreprises peuvent prendre des mesures pour renforcer leur position et atténuer les préjudices subis en cas d’incident susceptible de donner lieu à une action en justice. Dans les cas où une action a été intentée, de nombreux défendeurs ont réussi à persuader les tribunaux de classer ces affaires à un stade précoce, précisément parce que le demandeur n’avait pas subi de préjudice indemnisable ou que le défendeur l’avait atténué. Les entreprises devraient être proactives dans le traitement des incidents susceptibles de déclencher une action collective et préparer leur stratégie de défense en conséquence.
Le secret professionnel de l’avocat est un fondement de notre système judiciaire. Principe de justice fondamentale, il constitue un voile de confidentialité impénétrable, qu’on peut lever seulement dans des circonstances très précises. En 2023, plusieurs tribunaux ont mis en lumière les paramètres de la doctrine – plus précisément, dans le contexte de la renonciation et de l’abrogation par voie législative – affirmant une fois de plus que le secret professionnel de l’avocat ne sera remis en cause que dans les cas les plus manifestes. Le fait de comprendre les principes fondamentaux du secret professionnel de l’avocat et les pratiques exemplaires des organisations permettra de maintenir le caractère confidentiel du secret professionnel à l’avenir.
Entre-temps, les employeurs restent aux prises avec les problèmes découlant de la transformation de l’emploi à la suite de la pandémie. Même si nombre d’entre eux prennent des mesures pour inciter leurs employés à revenir au bureau, il n’en demeure pas moins que le télétravail et les environnements hybrides demeurent attrayants pour les employés. Malgré le fait que ces arrangements offrent des avantages, ils créent aussi pour les employeurs de nouveaux défis opérationnels et juridiques en matière de conformité. Parmi ceux-ci figure le « cumul d’emplois », situation où les employés prennent un deuxième emploi tout en travaillant à distance pour leur employeur principal. Il est essentiel que les employeurs atténuent les risques associés au télétravail et aux environnements de travail hybrides, notamment en définissant et en communiquant clairement leurs attentes. Par ailleurs, les employeurs voudront toujours offrir des milieux de travail flexibles et répondre aux besoins réels qui sont devenus des enjeux de base pour les employés dans de nombreux contextes.
Même si des progrès ont été réalisés pour augmenter la représentation des femmes au sein des conseils d’administration, les sociétés ouvertes continuent de subir des pressions pour élargir leurs pratiques en matière de diversité, d’équité et d’inclusion afin de prendre en compte la diversité au-delà de la parité des sexes. Avec l’évolution des normes et des pratiques mondiales, les conseils d’administration doivent également composer avec de nombreux enjeux à l’égard desquels une surveillance accrue est ou pourrait être attendue. Il s’agit notamment des initiatives relatives à l’esclavage moderne et à la cybersécurité. La communication d’information liée aux changements climatiques et la prise de décisions dans ce domaine sont également à l’ordre du jour des conseils d’administration. À ce jour, même si les désaccords entre les parties prenantes sur la pertinence des plans d’action climatique des émetteurs ouvrent la perspective de litiges liés à la surveillance des questions climatiques par les conseils d’administration, les tribunaux continuent de faire preuve de retenue à l’égard des décisions que les conseils d’administration prennent de bonne foi et en connaissance de cause. Les conseils d’administration voudront adopter des pratiques exemplaires pour jeter les bases d’une telle défense en cas de contestation éventuelle.
Les conseils d’administration des entreprises devront également tenir compte des nouvelles normes d’inscription des principales bourses américaines qui viennent d’entrer en vigueur. Les normes en question exigent que les entreprises adoptent des politiques prévoyant la récupération de la rémunération des dirigeants dans certaines circonstances. Ces changements s’appliquent aux émetteurs privés étrangers ainsi qu’aux émetteurs canadiens soumis au régime d’information multinational. Les émetteurs concernés devraient déjà avoir défini ou révisé leurs politiques de récupération en conséquence et envisager de se conformer aux obligations d’information connexes à l’approche de 2024.
L’activité législative dans le domaine fiscal est susceptible d’avoir une incidence considérable sur un très gros groupe de personnes. En réponse à d’importantes décisions de la Cour suprême du Canada concernant l’application de la règle générale anti-évitement (RGAE) en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, le gouvernement fédéral a proposé une série de modifications. Entre autres, le projet de loi ajoute un préambule inédit à la RGAE, à savoir un seuil modifié pour identifier une opération d’évitement et un nouveau critère qui crée une présomption réfutable d’évitement fiscal abusif lorsque l’on constate qu’une opération manque considérablement de « substance économique ». Les modifications proposées imposent également une pénalité relative aux opérations assujetties à la RGAE et prolongent le délai de prescription normal de trois ans dans certaines circonstances. Si elles sont adoptées, ces modifications auront une incidence importante sur la planification fiscale.
Par ailleurs, le gouvernement a également proposé une série de modifications aux règles sur les prix de transfert . Les modifications proposées et les évolutions connexes entraînent des conséquences importantes sur les audits et les différends en ce qui concerne l’interprétation et l’application du principe de pleine concurrence au Canada. Si elles sont mises en œuvre en leur forme proposée, les modifications proposées engendreraient au minimum de l’incertitude et pourraient nuire à la compétitivité du pays. Les contribuables devront être proactifs et tenir compte de ces changements dans leur planification fiscale.
Des transformations sont également en cours dans le domaine des opérations stratégiques sur le capital. Compte tenu des avantages du capital bon marché et des valorisations élevées, de nombreuses sociétés fermées, en particulier dans le domaine de la technologie, ont lancé un premier appel public à l’épargne au cours des dernières années. Malheureusement, les difficultés rencontrées plus récemment sur les marchés financiers ont inversé les tendances antérieures aux valorisations élevées et aux capitaux faciles d’accès. Comme les titres de nombreux émetteurs se négocient désormais nettement en deçà du prix du PAPE, bien des émetteurs doivent envisager des révisions stratégiques ou des opérations de fermeture du capital. Ces opérations impliquent de nombreuses considérations importantes pour les conseils d’administration, notamment sur la question des conflits d’intérêts et de la gouvernance.
Les capitaux bon marché étant pour le moment clairement derrière nous, les fonds de capital-investissement dans toutes les catégories d’actifs se sont tournés vers d’autres sources de capitaux pour gérer leurs liquidités, réduire et régulariser les appels de fonds et améliorer les rendements des investissements. Les marges de souscription, ou facilités d’appel de capital, sont devenues une source courante de liquidités pour répondre à ce besoin. Ces facilités constituent désormais un dispositif bien établi dans les fonds de capital-investissement pour toutes les catégories d’actif, et elles sont de plus en plus utilisées en raison des marchés difficiles que sont la mobilisation de fonds, le crédit et les fusions-acquisitions. Nous prévoyons que leur usage continuera d’évoluer au cours de l’année à venir.
Enfin, il est important de souligner que le rythme rapide de la réforme législative dans le domaine de la protection des renseignements personnels se maintient. De nombreuses dispositions de la version révisée de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé du Québec sont entrées en vigueur, imposant de nouvelles exigences onéreuses concernant les consentements, le profilage des données et la notification des atteintes à la sécurité. Des évaluations des facteurs relatifs à la vie privée sont requises dans certaines circonstances, par exemple en cas de divulgation ou de transfert de renseignements personnels hors du Québec. Les contrevenants s’exposent à des sanctions très sévères. Les entreprises doivent donc se montrer proactives en adaptant leurs politiques et leurs processus afin de se conformer au nouveau régime. En même temps, le gouvernement fédéral continue de faire progresser ses réformes de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, qui nécessiteront également une mobilisation active pour garantir la conformité et éviter des sanctions potentiellement lourdes. Le programme législatif fédéral comprend aussi des mesures législatives régissant la création et l’utilisation des systèmes d’IA, des exigences particulières étant imposées aux « systèmes à incidence élevée », concept qu’il reste à définir. Un nouvel organisme de réglementation sera créé dans le cadre de cette loi.
Le gouvernement fédéral poursuit également deux réformes législatives portant sur la diffusion en continu et sur le contenu de nouvelles en ligne, et ce, sous l’égide réglementaire du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). La Loi sur la diffusion en continu en ligne, qui a reçu la sanction royale, obligera les plateformes de diffusion en continu et de médias sociaux à promouvoir le contenu canadien – et à le payer – de la même façon que les radiodiffuseurs traditionnels. Les services de diffusion en continu en ligne seront assujettis à des exigences d’enregistrement, à certaines exceptions près, et à des conditions de service. En vertu de la Loi sur les nouvelles en ligne, qui entrera en vigueur à la fin de 2023, les intermédiaires de nouvelles numériques, qui englobent les plateformes de communication en ligne comme les moteurs de recherche ou les services de médias sociaux, seront tenus de payer pour le contenu de nouvelles produit par les organes de presse canadiens admissibles aux termes d’accords négociés. Les intermédiaires peuvent demander une exemption au CRTC dans certaines circonstances. D’autres réformes législatives concernant la sécurité en ligne sont prévues.
Tout au long de 2023, nous avons assisté à une série d’événements ayant marqué le paysage juridique et commercial. Nombre d’entre eux pourraient entraîner des répercussions importantes sur les entreprises et les organisations en 2024 et au-delà. Le milieu des affaires doit suivre de près l’évolution de nombreux domaines. Les entreprises doivent réagir de façon proactive aux changements prévus, notamment en demandant des conseils d’experts lorsque cela est justifié, non seulement pour atténuer les risques, mais aussi pour demeurer concurrentielles.
Nous espérons que vous apprécierez la lecture de notre nouvelle revue Perspectives juridiques Osler. Comme toujours, nous serons heureux de discuter avec vous des changements en question et de leurs répercussions sur votre entreprise.