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Conséquences des exigences relatives au registre de transparence pour les capital-investisseurs
Gouvernance d’entreprise

Conséquences des exigences relatives au registre de transparence pour les capital-investisseurs

Ces dernières années, les nouvelles exigences pour les sociétés fermées de présenter des informations au sujet de leurs propriétaires se sont multipliées au Canada. Tous les territoires du Canada, sauf l’Alberta, le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut ont maintenant adopté des dispositions législatives exigeant la présentation de ces informations auxquelles ont fait souvent référence en parlant du « registre de transparence ». Ce registre vise à accroître la transparence et la reddition de comptes des sociétés en fournissant des renseignements relatifs aux « particuliers ayant un contrôle important » (PCI), expression qui désigne généralement les particuliers détenant une participation d’au moins 25 % dans une société. Ces nouvelles exigences manquent parfois de clarté en ce qui concerne leur application aux structures de propriété complexes et elles imposent de lourdes contraintes en matière de conformité aux sociétés de capital‑investissement et de capital de risque (les « capital-investisseurs »).

Dans la plupart des territoires du Canada, le public n’a pas encore accès à ces registres. Cependant, dans plusieurs de ces territoires, des organismes comme les corps policiers, les autorités fiscales et les organismes de réglementation peuvent y avoir accès. Des différences importantes se dessinent tandis que plusieurs régimes législatifs, notamment à l’échelon fédéral, ainsi qu’au Québec et en Colombie-Britannique, penchent en faveur de la création de registres plus accessibles au public. À l’échelon fédéral, un projet de loi imposerait, s’il est adopté, les amendes les plus élevées au Canada en cas d’infraction aux règles relatives au registre de transparence.

Les sociétés et leurs propriétaires doivent tenir compte de ces exigences en pleine évolution aussi bien pour structurer leurs affaires que pour s’assurer de continuellement respecter leurs obligations en matière de tenue de dossiers.

En quoi consistent les registres de transparence?

À l’heure actuelle, les divers régimes de transparence adoptés dans les territoires du Canada, ainsi que les exigences en matière de communication d’informations qu’ils imposent sont généralement comparables, même s’il y a des différences subtiles, comme nous l’expliquons dans notre guide détaillé.

En règle générale, une société fermée constituée dans un des territoires concernés du Canada doit tenir un registre de transparence relatif aux PCI et le mettre à jour périodiquement. Pour chaque PCI, le registre doit contenir des renseignements personnels à des fins d’identification, des détails relatifs à son statut de PCI et tous les autres renseignements prescrits. Contrairement aux exigences de transparence d’autres territoires du Canada, les exigences de transparence du Québec s’appliquent non seulement aux sociétés québécoises, mais aussi à toute société ou autre entreprise commerciale qui s’enregistre à l’extérieur du Québec pour exercer des activités commerciales au Québec.

Ces nouvelles exigences manquent parfois de clarté en ce qui concerne leur application aux structures de propriété complexes et elles imposent de lourdes contraintes en matière de conformité.

Les organismes d’application de la loi, les autorités fiscales, les administrateurs, les actionnaires, les créanciers et certains autres organismes de réglementation peuvent avoir accès à ces registres de transparence. Toutefois, plusieurs provinces ont mis en place ou projettent de mettre en place des registres de transparence accessibles au public. Les sociétés, les administrateurs, les dirigeants et les actionnaires peuvent être passibles de sanctions et/ou des peines d’emprisonnement s’ils ne respectent pas ces règles.

Défis pour les sociétés de capital-investissement et de capital de risque

Les exigences relatives au registre de transparence soulèvent des questions d’interprétation difficiles pour les clients dont la structure de propriété est complexe. Pour les capital‑investisseurs, ces exigences représentent un défi, mais elles constituent également un enjeu important pour bon nombre de sociétés fermées.

Structures de propriété complexes

En règle générale, un PCI est un particulier qui possède, contrôle ou gère (individuellement ou en tant que membre d’un groupe de personnes liées) 25 % ou plus des actions de la société, selon les droits de vote ou la juste valeur marchande. Un particulier peut également être un PCI du fait de son influence directe ou indirecte sur la société, même s’il ne détient pas au moins 25 % des actions (par exemple, au moyen d’une convention unanime des actionnaires). Les exigences du Québec sont plus rigoureuses à plusieurs égards que celles des autres territoires du Canada. Par exemple, elles s’appliquent non seulement aux sociétés par actions, mais également aux sociétés de personnes, aux fiducies et à d’autres formes d’organisations commerciales.

La formulation parfois ambiguë des diverses lois, conjuguée aux différences subtiles d’un territoire à l’autre, crée des ambiguïtés pouvant donner lieu à des disparités dans la mise en application des exigences applicables ou à la présentation d’informations superflues ou insuffisantes dans les registres. De plus, l’imprécision de la définition de certains termes clés, notamment du terme « influence » dans la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) et la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario (LSAO) peut donner lieu à des difficultés d’interprétation.

Prenons l’exemple d’un particulier qui possède 40 % des actions d’une société de portefeuille qui détient elle‑même 80 % des droits de vote ou des intérêts économiques dans une société assujettie. En l’absence de faits spécifiques, ce particulier doit-il déclarer une participation de 32 % dans la société assujettie ou est-il dispensé de figurer dans le registre de transparence? Ce particulier ne contrôle pas la société de portefeuille et, par conséquent, ne contrôle pas indirectement des actions de la société assujettie, malgré l’existence d’un intérêt économique indirect dans cette dernière. Et il s’agit ici d’un scénario simple!

L’analyse devient beaucoup plus complexe, longue et coûteuse si un particulier ou une entité de la chaîne de propriété est partie à une convention d’actionnaires qui lui donne des droits de gouvernance accrus relativement à l’une ou l’autre des entités comprises dans la structure de propriété. La situation peut devenir encore plus complexe si la structure comprend des entités non constituées en société, comme des sociétés en commandite, des fiducies et des sociétés à responsabilité limitée. De la même façon, l’application des exigences de transparence pourrait être compliquée si un PCI est réputé exercer une influence par l’entremise d’autres structures, comme des ententes de gestion, d’autres conventions avec des personnes liées ou des relations entre administrateurs et dirigeants.

Les capital-investisseurs et leurs conseillers juridiques canadiens devront examiner attentivement ces questions au moment de préparer un registre de transparence pour leurs sociétés de portefeuille canadiennes, surtout lorsque le registre sera accessible au public.

Exceptions pour les sociétés ouvertes

Les sociétés et les investisseurs doivent tenir compte des exigences particulières de chaque territoire. Bien que de nombreux régimes législatifs prévoient une exception à l’obligation de tenir un registre de transparence lorsque l’entité est une société ouverte ou une filiale d’une société ouverte, les exigences sont nuancées.

Par exemple, certains territoires prévoient une exception pour les sociétés ouvertes canadiennes, laquelle ne profiterait pas aux entités ouvertes qui sont des sociétés de personnes ou des fiducies, sans parler des sociétés ouvertes étrangères. Par conséquent, une société fermée qui est une filiale d’une société ouverte américaine peut tout de même être obligée de tenir un registre de transparence. De plus, au Québec, seules les sociétés ouvertes qui sont des émetteurs assujettis dans la province peuvent se prévaloir de cette dispense. Cela signifie, par exemple, qu’une filiale d’une société ouverte qui est un émetteur assujetti uniquement dans d’autres provinces ou territoires canadiens sera tenue de se conformer aux exigences de transparence du Québec.

Disponibilité des informations sur les investisseurs

Sur le plan pratique, il peut être difficile pour de nombreux capital‑investisseurs d’établir correctement des registres de transparence, même après que tous les PCI pertinents ont été identifiés. Certains investisseurs pourraient ne pas vouloir être présentés comme des PCI et ne pas être disposés à fournir les renseignements voulus. Il est également possible que des ententes de non‑divulgation conclues avec des investisseurs interdisent à la société ou à l’entité de communiquer ces renseignements. Dans les cas où des limites ont été établies, mais que ces renseignements peuvent être communiqués si la loi l’exige, des exigences et des restrictions peuvent s’appliquer à toute communication de renseignements réalisée aux fins de transparence.

Les capital‑investisseurs peuvent hésiter à prendre le risque de créer des frictions dans leurs relations avec les investisseurs en leur demandant de fournir les renseignements requis et de les confirmer chaque année. De plus, le fardeau administratif lié à la tenue du registre de transparence sera important, notamment pour les capital-investisseurs ayant une structure de propriété complexe, une présence importante au Canada et/ou une présence dans plusieurs territoires du Canada.

Responsabilité des administrateurs et des dirigeants

Les administrateurs et les dirigeants de filiales canadiennes sont exposés à des responsabilités potentiellement importantes en cas de violation des exigences relatives au registre de transparence applicables. Par exemple, en vertu de modifications récentes apportées à la LCSA, un administrateur ou un dirigeant peut être passible d’une amende pouvant aller jusqu’à un million de dollars ou d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans, ou des deux à la fois, en cas d’infractions particulières commises par la société. Cette responsabilité peut être engagée si l’administrateur ou le dirigeant, sciemment, autorise ou permet que la société contrevienne aux lois sur le registre de transparence ou consent à ce qu’elle y contrevienne. Le personnel des commanditaires financiers et leurs sociétés de portefeuille pourraient être moins enclins à exercer des fonctions d’administrateur ou de dirigeant de sociétés canadiennes compte tenu de la sévérité de ces sanctions, et en particulier s’ils anticipent des difficultés à assurer le respect continu des exigences de transparence.

Magasiner son territoire de constitution ou de prorogation

Certains territoires du Canada, notamment l’Alberta, quatrième province la plus peuplée du Canada, n’ont pas encore d’exigences quant aux PCI. Ainsi que nous l’avons décrit dans notre bulletin d’actualités Osler, au cours des dernières années l’Alberta a également apporté diverses modifications à sa loi intitulée Business Corporations Act afin de se positionner comme un territoire plus favorable aux entreprises. Par conséquent, du moins pour le moment, il est possible d’éviter la totalité des exigences relatives aux registres de transparence en constituant une nouvelle société en Alberta ou en y prorogeant une société canadienne existante, à condition que la société ne soit pas tenue de s’enregistrer pour exercer des activités au Québec, ce qui l’assujettirait aux obligations de tenue d’un registre de transparence qui sont en vigueur dans cette province.

Dans la plupart des cas, la prorogation est une opération rapide et simple qui peut intéresser de nombreux capital-investisseurs. Toutefois, rien ne garantit que l’Alberta ou les autres territoires réfractaires n’adopteront pas de dispositions législatives imposant la tenue de registres de transparence, ce qui annulerait l’utilité du « magasinage » du territoire de constitution ou de prorogation.

En plus de l’absence de lois relatives aux registres de transparence, il existe d’autres avantages à la constitution ou à la prorogation d’une société en Alberta, dont la possibilité de renoncer à des occasions d’affaires, la capacité des administrateurs désignés d’accorder une attention particulière aux intérêts des actionnaires qui les ont désignés, la possibilité d’y créer des sociétés à responsabilité illimitée (qui peuvent être traitées comme des « entités intermédiaires » aux fins de l’impôt américain) et l’absence d’exigences en matière de résidence des administrateurs.

Prochaines étapes pour les capital-investisseurs

Les capital-investisseurs devront évaluer leurs structures et leurs expositions actuelles à la lumière des nouvelles exigences en matière de registres de transparence. Il leur faudra notamment déterminer si des problèmes de conformité sont à prévoir en matière de propriété et de contrôle des fonds, et s’il existe des co‑investisseurs, des ententes de non‑divulgation ou d’autres arrangements. Ils devront également élaborer une stratégie pour signaler ces problèmes et en discuter avec les investisseurs clés et pour mettre en œuvre un processus permettant de recueillir les renseignements requis auprès des nouveaux investisseurs.

Communiquez avec les experts en gouvernance d’entreprise d’Osler

Lorsqu’un registre des PCI est requis, les sociétés doivent s’assurer que des critères factuels et analytiques sont appliqués uniformément dans l’ensemble de leur entreprise et des territoires canadiens où elles sont présentes.

Les sociétés peuvent également vouloir déterminer la mesure dans laquelle elles ont intérêt à « magasiner » un territoire de constitution ou de prorogation.

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